Le canton de Neuchâtel n’a pas de budget, les villes voient leurs déficits grimper, mais une chose reste cependant présente chez les argentiers publics : l’optimisme ! Un optimisme rare, qui tend plus vers l’autosuggestion qu’autre chose. On n’a plus de sous, alors c’est le moment d’investir. La nouvelle loi sur les finances publiques nous oblige à revaloriser nos immeubles, chouette, ça fera davantage d’argent. Or ces écritures comptables ne rajoutent pas le moindre centime en cash sur les comptes des entités publiques. Tout au plus elles nous permettent d’emprunter encore davantage et d’augmenter des dettes déjà considérables.
Cet optimisme est contrebalancé par la morosité de la classe moyenne neuchâteloise. Celle-là qui gagne trop pour vivre des subsides, mais pas assez pour pouvoir optimiser ses relations fiscales. On nous demande toujours plus d’efforts, un point d’impôt par ci, une prestation supplémentaire par-là, ah et vous n’oublierez pas l’émolument de 40 CHF pour votre attestation fiscale prouvant que vous êtes en règle mon bon monsieur. Contrairement au droit pénal où on est supposé innocent tant que l’on n’a pas été reconnu coupable, le droit fiscal nous condamne d’avance et c’est à nous de prouver notre honnêteté.
Économisons, oui, mais pas dans mon domaine !
Timidement, l’État tente de réduire la voilure. Il propose une optimisation hospitalière, le peuple la refuse pour les raisons que l’on connaît. Il propose la fermeture d’une école de musique, certes remplie de talents, mais qui pourrait s’intégrer dans une vision romande plus large avec celle de Genève et là, même constat, la grogne monte. À chaque proposition d’économie, que ce soit dans la culture, l’éducation, le social, même constat, on comprend la nécessité d’économiser, mais s’il-vous-plaît, surtout pas dans [insérez votre domaine de prédilection ici].
L’avenir ne semble pas non plus très bien engagé. J’ai beau être un politicien de milice, avec mes qualités (si si) et mes défauts (désolé), mais j’ai de la peine à retrouver au sein du Grand conseil une représentation équilibrée de la population neuchâteloise. En caricaturant, on peut dire qu’il s’y trouve un tiers d’avocats, un cinquième de vignerons et une moitié de fonctionnaires ou d’employés du domaine parapublic. On l’a vu avec le décret concernant l’initiative sur la défiscalisation des primes d’assurance-maladie, les juristes amènent autant de soucis qu’ils en résolvent. Les fonctionnaires sont eux directement touchés par les décisions qui font mal au canton. Combien de députés sont-ils directement touchés par des modifications du système de prevoyance.ne ? Et combien se sont-ils récusés lors de ces discussions ? Heureusement, il reste les vignerons, seule confrérie susceptible d’adoucir les séances de commission.
Sous tutelle, on oublierait ses querelles ?
Il arrive des moments où mon cauchemar de voir le canton mis sous tutelle de Berne m’offre cependant une lueur d’espoir. Peut-être que le traumatisme que cela engendrerait permettrait à la population neuchâteloise de s’unir à nouveau vers un but commun ? Peut-être oublierait-elle ses querelles de clocher pour se concentrer sur l’essentiel ? Savoir dépenser en fonction de ses moyens, éviter de confondre le contribuable avec un citron juteux, trouver des solutions pragmatiques et surtout vivre dans son temps et non dans le souvenir d’une gloire passée.
Ces élucubrations terminées, il reste à se poser une question. Et que fait-on maintenant ? Une chose est sûre, le canton ne peut pas continuer à dépenser de l’argent qu’il n’a pas. Il ne peut pas non plus exiger davantage des impôts sur les personnes physiques, les villages-champignons à Gals et Cudrefin le prouvent. Alors ? Eh bien oui, il faut savoir couper là où on peut. Même si parfois ça fait mal. Et il faut aussi que la gauche comprenne que son rôle n’est pas de défendre une caste de fonctionnaires privilégiée (« pour tous et sans privilèges » ? vraiment ?), mais bien de collaborer activement au redressement du canton.
On reste loin « du sang et des larmes » promis par Churchill en temps de guerre, nous ne sommes pas encore à ce stade, mais des décisions impopulaires doivent être prises sans quoi c’est l’entier de la construction « Canton de Neuchâtel » qui va s’écrouler. Le jour ou l’envoyé de la Confédération viendra nous apprendre à tenir un carnet du lait, en précisant qu’on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on reçoit, semble se rapprocher. Si ce jour arrive, nous aurons perdu non seulement la partie, mais également toute crédibilité envers les autres partenaires politiques, économiques, culturels et sociaux de Suisse et d’ailleurs.
(Article paru dans “Libertés neuchâteloises” du 2 février 2017)