February 2018

Les assemblées citoyennes, la fausse bonne idée du Conseil communal

Dans son rapport de législature 2018-2021, le Conseil communal revient avec l’idée qu’il avait déjà tentée de faire passer en douce avec le projet de fusion de 2016 : créer des assemblées citoyennes “pour sentir le pouls de la population”. Ces assemblées, auxquelles tous les habitants, y compris ceux qui n’ont pas le droit de vote, pourraient participer. Elles serviraient à débattre « officiellement » des sujets qui préoccupent les citoyens et à transmettre des requêtes et propositions au Conseil général ou au Conseil communal. Bien entendu, les réunions bénéficieront de l’appui des services de la Ville pour la logistique, la préparation, la convocation et la transmission de demandes aux autorités législatives ou exécutives.
En gros, le Conseil communal souhaite rajouter une couche au gâteau complexe de la gouvernance de notre belle ville. Neuchâtel compte pourtant déjà seize associations de quartier, un parlement des jeunes, un Conseil général avec onze commissions. Or que constate-t-on ? Ces dernières années, malgré les nombreuses et réitérées demandes du Conseil général ou de ses commissions, le Conseil communal a pris les fâcheuses habitudes de soit ne pas répondre à satisfaction ou dans les délais aux demandes, soit de s’obstiner à refuser d’intégrer les commissaires en amont des projets importants pour la Ville. Du coup, régulièrement le Conseil général est informé à peine quelques heures avant la presse sur les options du Conseil communal et n’a plus la possibilité d’apporter un peu de « bon sens » dans les projets.
On constate également que les courriers des associations de quartier n’ont pas beaucoup plus d’écho au sein de l’exécutif. À titre d’exemple, lorsque l’Association de quartier de La Coudre, Monruz et Portes-Rouges s’inquiétait des suites de la mise à l’enquête publique d’un nouveau projet immobilier comprenant 286 logements, le Conseil communal n’a pas été pressé de répondre aux questions posées formellement par l’association.

Pourquoi dépenser davantage d’argent pour un « machin » supplémentaire, alors que les outils de démocratie directe fonctionnent ?

Dans une période où la Ville devrait devenir plus efficace, tant pour ses processus que dans sa gestion financière, la mise en place d’assemblées citoyennes semble complètement illogique. Pourquoi dépenser davantage d’argent pour un « machin » supplémentaire, alors que les outils de démocratie directe fonctionnent ? Il est déjà en tout temps possible pour un citoyen d’interpeler une association de quartier, un élu ou un groupe politique pour lui faire part de ses idées. Régulièrement, le groupe PLR du Conseil général rencontre les associations de quartier qui le désirent. S’il le faut, les citoyens peuvent également faire usage des droits de référendum et d’initiative au niveau communal.
Les habitants de la ville méritent d’être entendus par les autorités. Mais que le Conseil communal, qui a été particulièrement sourd ces dernières années, ne tente pas de faire croire que ces nouvelles assemblées amèneront une plus-value aux outils démocratiques. La Ville devrait plutôt mettre à profit les forces vives du Conseil général et impliquer les commissaires dès les premières étapes des projets. Cela coûtera moins cher et sera certainement plus efficace.

(Article paru dans “Vivre la Ville” du 7 février 2018)

Le beurre, l’argent du beurre et la crémière venue de Berne

Le canton de Neuchâtel n’a pas de budget, les villes voient leurs déficits grimper, mais une chose reste cependant présente chez les argentiers publics : l’optimisme ! Un optimisme rare, qui tend plus vers l’autosuggestion qu’autre chose. On n’a plus de sous, alors c’est le moment d’investir. La nouvelle loi sur les finances publiques nous oblige à revaloriser nos immeubles, chouette, ça fera davantage d’argent. Or ces écritures comptables ne rajoutent pas le moindre centime en cash sur les comptes des entités publiques. Tout au plus elles nous permettent d’emprunter encore davantage et d’augmenter des dettes déjà considérables.
Cet optimisme est contrebalancé par la morosité de la classe moyenne neuchâteloise. Celle-là qui gagne trop pour vivre des subsides, mais pas assez pour pouvoir optimiser ses relations fiscales. On nous demande toujours plus d’efforts, un point d’impôt par ci, une prestation supplémentaire par-là, ah et vous n’oublierez pas l’émolument de 40 CHF pour votre attestation fiscale prouvant que vous êtes en règle mon bon monsieur. Contrairement au droit pénal où on est supposé innocent tant que l’on n’a pas été reconnu coupable, le droit fiscal nous condamne d’avance et c’est à nous de prouver notre honnêteté.

Économisons, oui, mais pas dans mon domaine !
Timidement, l’État tente de réduire la voilure. Il propose une optimisation hospitalière, le peuple la refuse pour les raisons que l’on connaît. Il propose la fermeture d’une école de musique, certes remplie de talents, mais qui pourrait s’intégrer dans une vision romande plus large avec celle de Genève et là, même constat, la grogne monte. À chaque proposition d’économie, que ce soit dans la culture, l’éducation, le social, même constat, on comprend la nécessité d’économiser, mais s’il-vous-plaît, surtout pas dans [insérez votre domaine de prédilection ici].

L’avenir ne semble pas non plus très bien engagé. J’ai beau être un politicien de milice, avec mes qualités (si si) et mes défauts (désolé), mais j’ai de la peine à retrouver au sein du Grand conseil une représentation équilibrée de la population neuchâteloise. En caricaturant, on peut dire qu’il s’y trouve un tiers d’avocats, un cinquième de vignerons et une moitié de fonctionnaires ou d’employés du domaine parapublic. On l’a vu avec le décret concernant l’initiative sur la défiscalisation des primes d’assurance-maladie, les juristes amènent autant de soucis qu’ils en résolvent. Les fonctionnaires sont eux directement touchés par les décisions qui font mal au canton. Combien de députés sont-ils directement touchés par des modifications du système de prevoyance.ne ? Et combien se sont-ils récusés lors de ces discussions ? Heureusement, il reste les vignerons, seule confrérie susceptible d’adoucir les séances de commission.

Sous tutelle, on oublierait ses querelles ?
Il arrive des moments où mon cauchemar de voir le canton mis sous tutelle de Berne m’offre cependant une lueur d’espoir. Peut-être que le traumatisme que cela engendrerait permettrait à la population neuchâteloise de s’unir à nouveau vers un but commun ? Peut-être oublierait-elle ses querelles de clocher pour se concentrer sur l’essentiel ? Savoir dépenser en fonction de ses moyens, éviter de confondre le contribuable avec un citron juteux, trouver des solutions pragmatiques et surtout vivre dans son temps et non dans le souvenir d’une gloire passée.
Ces élucubrations terminées, il reste à se poser une question. Et que fait-on maintenant ? Une chose est sûre, le canton ne peut pas continuer à dépenser de l’argent qu’il n’a pas. Il ne peut pas non plus exiger davantage des impôts sur les personnes physiques, les villages-champignons à Gals et Cudrefin le prouvent. Alors ? Eh bien oui, il faut savoir couper là où on peut. Même si parfois ça fait mal. Et il faut aussi que la gauche comprenne que son rôle n’est pas de défendre une caste de fonctionnaires privilégiée (« pour tous et sans privilèges » ? vraiment ?), mais bien de collaborer activement au redressement du canton.

On reste loin « du sang et des larmes » promis par Churchill en temps de guerre, nous ne sommes pas encore à ce stade, mais des décisions impopulaires doivent être prises sans quoi c’est l’entier de la construction « Canton de Neuchâtel » qui va s’écrouler. Le jour ou l’envoyé de la Confédération viendra nous apprendre à tenir un carnet du lait, en précisant qu’on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on reçoit, semble se rapprocher. Si ce jour arrive, nous aurons perdu non seulement la partie, mais également toute crédibilité envers les autres partenaires politiques, économiques, culturels et sociaux de Suisse et d’ailleurs.

(Article paru dans “Libertés neuchâteloises” du 2 février 2017)